mardi 25 août 2009

Le miracle du 22 août au soir (D. Furtif)

Il y a deux types de grands hommes , les ceusses qu'on coule dans le bronze pesant... et les petits malins, les aériens qui, mine de rien, réalisent des prouesses... sans avoir l'air...

***
Au départ, pendant des mois, je l'ai jouée mari docile et bien élevé et je n'ai pas bronché.
Il y a de la grandeur à leur faire plaisir dans les petites choses. Sans excès bien sûr…

Me connaissant et connaissant mon admirable capacité à oublier sincèrement ce qui me dérange, elle avait mis au point une mobilisation générale de mes facultés d’enregistrement dans une contention serrée de rappels réguliers avec progression du volume sonore des émissions :

« Tu te rappelles ? on va au mariage le 22 août »
Pendant des mois, souvent, très souvent …
— Bien sûr ma chérie, euh…

Peu à peu, sans doute intriguée par ma bonne volonté, elle a baissé la barre :
— Tu ne seras pas – bien sûr – obligé de venir à la pseudo messe spéciale mâtinée cochon d’Inde de ces laïcs un peu beaucoup branchés curés. Nous n'irons ensemble que le soir pour un buffet dansant...
Ah chérie tu veux danser....????
— C’est à 20h30 mais nous pourrons n’arriver que vers 21 heures, si tu...

N’empêche, la vie c’est comme ça. Quand un samedi maudit doit arriver, il arrive. On y est, j’y suis.
Comme c'est une grande occasion je retrouve le chemin de la douche, je me rase, chemise, chaussures, allez tiens je mets un pantalon, pas le jogging habituel.
Un peu d’angoisse pourtant. J’ai quelques minutes de retard et…rien. Pas un reproche.
Le paradigme « espace/ temps / rétorsion » a été modifié. Je ne retrouve plus mes repères.

L’arrivée, vers 21h10 à la salle des fêtes de Vitreux où se tiennent ces dansantes agapes, est curieuse....
Tellement de monde et de voitures que trouver une place est un déjà problème... Les familles même humbles, chez nous, se ruinent pour le mariage de leurs filles. Ne nous égarons pas.

Vérification, contrôle discret du visage deRosie: ça colle pas avec ce qu'elle espérait…
Nous rangeons l'automobile et nous dirigeons à travers le parking plein comme un super marché de banlieue vers ce que nous finirons bien par trouver : la mariée, ses parents ...
Verif contrôle.
Rosie : « Je ne connais personne.... » ( noté , enregistré).
Nous entrons dans une vaste salle où les tables ne sont pas encore complètement desservies.
— Oh là, ils doivent sortir à peine de table, on n'est pas près de danser.. »
En traversant la salle, horreur elle voit, je vois, les énormes enceintes prévues pour l'animation sonore... J'ai dû pâlir... Le souvenir des deux derniers mariages où j'ai dû quitter la salle me revient brusquement alors que je l'avais escamoté. La douleur qui me vrillait la tête !
Attention, verif contrôle maitrise, pas un mot.
Je la regarde, elle sait et je sais qu'elle sait...
Surtout éviter le piège de lui dire : « Chérie t'as vu les machins sur l'estrade, je ne crois pas que... ??? »
Elle comprend.... ! Laisser faire

Intermède


Nous trouvons une mariée assez fatiguée par sa déjà longue journée... On se reconnaît, on s'embrasse
— Qui c'est ton mari ?,
— Bonjour à la maman ,
— Où il est ton papa?
Banalités, conversations.... « Qu'est-ce que je vais vous offrir à boire ?... Il n'y a plus rien et on ne va pas déjà ouvrir le champagne… »..
— On a au moins 1h ..1h1/2 de retard. !
Regard de Rosie!
La brave petite a beaucoup à faire ce jour là... Elle nous abandonne.

On me sert dans un méchant gobelet une bière tiède... et à Rosie un jus d'abricot tiède aussi. Un jus d'abricot à une Rosie espérant du Champagne !
Faute!
Verif, je me marre. Contrôle, l’air de rien.

Nous sortons dans l'espace vert entre la salle et la Gironde où terrains de sport, tennis minigolf et camping se côtoient. Il y a du monde partout. Notre gobelet de liquide tiède à la main, nous avançons hardiment. Petit désagrément supplémentaire, paf! nous tombons sur un couple de collègues à moi : nous les détestons tous deux furieusement et dans un souci de réciprocité ni original, ni élégant, ils nous le rendent bien. Cinq bonnes minutes de sourires à la grimace ça te vous ronge les plus beaux enthousiasmes. Les enfants jouent au ballon avec leurs parents, d'autres à la pétanque... À tous deux nous viennent en même temps les souvenirs de jeux semblables auxquels, dans d'autres fêtes... Là ça s'annonce plutôt dans le genre : sans nous... Rosie ne reconnaît vraiment personne.
Verif contrôle : je le note

Intermède sociologique

Au début de notre liaison et de notre ensuite vie commune, nous dûmes remplir quelques formalités locales, un rite obligé de Blaye. Tous les couples y passent à leurs débuts : faire les courses ensemble.
C'est ainsi que se déroule une sorte de présentation rituelle, une sorte d'officialisation de "Ils couchent ensemble". Les petits, les grands, les jeunes et les moins, les officiels et les semi-clandestins viennent là, font leur paseo et, impudeur d’une promiscuité affichée, partagent le même caddy pour transporter leurs nouilles. C'est dans ce territoire neutre qu'il leur est plus aisé de franchir leur première épreuve importante : croiser les ex de chacun sans que cela ne dégénère
Une fois ces formalités accomplies, les regards se décoincent un peu. C'est à dire qu'ils sont un peu moins en coin.
C’est là, à l'Hyper U , que j’ai découvert la popularité de ma compagne. Elle connaissait tout le monde ! Je ne vis à Blaye que depuis 7 ans, pas elle. Pharmacienne c'est un(e) notable, pour la saluer, on traverse la rue ! C'est ainsi qu’à ses cotés je suis amené à saluer des dizaines de complets inconnus. Une fois, deux fois… Puis les jours suivants, quand elle est au travail et que je fais les courses – tâche qui est restée mienne dans nos premières 8 années – je veille à ne pas lui faire du tort en oubliant de saluer ceux que j'ai découverts les jours d’avant.
Je salue beaucoup, je salue comme un novice, je salue sans compter.
Ainsi, des semaines et des mois durant, j'ai consciencieusement salué des gens, des couples, des seuls, des vieux, des moins vieux qui me le rendaient. Des jours et des semaines, saluts, bonjours rendus, sourires, mimiques, quelques bribes, avec certains je suis à deux doigt de l’arrêt de caddy et du taillage de bavette.
Tout pareil comme Rosie qui n’en finit jamais tellement elle connaît de gens. Tout fier d'accomplir les exigences de mon nouveau statut, je me risquai un certain samedi à retourner à L'Hyper U en couple et Rosie, toujours aussi exacte au rendez-vous de ma confusion : « Qui c'est ces gens ? »

Retour à la noce

Les minutes s'égrainent et Rosie ne reconnait personne... Elle me le dit... Nous rencontrons le seul qui soit de ses anciennes connaissances, un des chanteurs de la chorale qui nous a donné la Saint Mathieu il y a peu et qui se trouve être le prêtre-ouvrier qui a officié le matin. Compliments congratulations, demi sourires, ça nous tient un bon quart d'heure.
Rosie : « Ils en ont bien pour deux heures avant de servir et mon Didou qui n'a pas diné, exprès !… »

Je lui fais remarquer que le bruit des conversations dans ce hall en béton commence à devenir assourdissant. Elle en convient....
— Chérie, j'ai faim , on rentre ? »
Juste sur l’instant, elle ne trouve rien à objecter...
— Si tu veux on reviendra....
Silence, agir avant qu’elle ne pense !

Et c'est comme ça que sur les coups de dix heures et demie... Maison ! ! !

Demain est un autre jour : aller chercher le pain……

Donatien Furtif

2 commentaires:

  1. Je plains la pauvre Josie pour sa soirée manquée ; soirée qui aura l'avantage de nous faire profiter d'un texte malicieux, très amusant où on savoure l'enthousiasme et la grandeur du narrateur à faire plaisir à sa compagne ...

    Une fan de ce blog non anonyme et qui a le MEME A LA MAISON (dans le sud de la France)...
    Bises à vous deux

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  2. C'est dans les petites choses qu'il importe d'être grand et non l'inverse ______ce qui n'est qu'une paraphrase poussive du grand professeur Shadoko

    Il vaut mieux mobiliser son intelligence sur des conneries que mobiliser sa connerie sur des choses intelligentes

    Chère Toche je te baise les mains

    Donatien

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Photo : Kiji, Russie par Toche

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