mardi 27 octobre 2009

Les ours blancs ( D.Furtif)

Encore une fois ils m’avaient accompagné jusqu’à l’oreiller du réveil… Des ours blancs.
Quand la fièvre qui les avait appelés s’évanouissait, ils disparaissaient avec elle dans la grotte brûlante où je les retrouvais chaque fois. Des ours blancs dans la fièvre rouge ?

La fièvre, ce compagnon d’enfance. Une balade à vélo un peu trop rapide, un arrêt à l’ombre un peu trop long et ça y était. Une trop longue lecture le dos à une fenêtre ouverte. La fatigue, si fréquente, pour un enfant si malingre. Tout était cause. La fièvre partait comme une fusée. Des champs, de la rivière, de l’école… Je la ramenais un jour du grenier où j’avais découvert, au milieu des livres interdits stockés par le locataire précédent, une bande dessinée en un volume épais. Au fond du délire de la nuit suivante des ours blancs échappés d’une histoire fantastique étaient venus peupler mes cauchemars. Fièvres à répétition, cauchemars à répétition, les ours blancs aidés par mes réveils instantanés devinrent les habitués de ma petite enfance. Ils m’accompagnaient parfois jusqu’à la maternelle et la grande école où j’emmenais ma « température ». Pas question qu’en plus on me prive d’école.
Les greniers ! Nous autres, les enfants, menions sans trêve une lutte incessante pour imposer notre suzeraineté sur un territoire que les grands nous contestaient à coup d’interdictions, de conseils affectueux et de taloches impuissantes. À chaque fois ils nous rappelaient les échelles démembrées, les planchers vermoulus, les outils tranchants en oubliant les malles ou autres merveilles mises là pour qu’elles ne soient pas ailleurs, sous nos mains ou sous nos yeux. Des fenêtres nues riches d’éventuelles chutes, les courants d’air et leurs rhumes à profusion. La grande fraternité des adultes ne manquait pas d’invention pour nous interdire d’aller là où justement nous voulions aller
— Parce qu’ils nous l’interdisaient. !
Légers comme l’air, qu’avions-nous à craindre des planchers incertains ?
Il ne nous fallait pas un grand génie ni une noire perversion pour pressentir la vraie raison. D’étranges questions, des regards soupçonneux. De quelle obscure ou inexprimable faute s’inquiétaient-ils sans dire ? Leur inimaginable manque de sérieux dans les conversations « sous nos oreilles » nous avaient appris très jeunes ce qu’ils craignaient. Ils craignaient que nous n’utilisions les greniers à des activités auxquelles ils n’avaient pas encore renoncé et que, pour certains, ils actualisaient encore dès qu’une occasion se présentait. Nous n’en connaissions pas les très exacts contours mais nous aspirions à leurs enivrants mystères Nous n’y apprîmes pas le mépris des grands, mais très jeunes, l’affaire des greniers nous enseigna à quel point la grande confrérie des parents adultes, ces vieillards de trente ans, maniait le double langage. Les Dieux étaient faillibles.

Nous ne nous y adonnions pas tout le temps, loin de là mais, par une pulsion cyclique, le touche-pipi devenait l’activité principale et l’unique obsession de la grande tribu fraternelle des enfants. Répondant à des règles strictes et non écrites, n’importe où selon la coutume, les enfants s’installaient là où ils le voulaient. Filles ou garçons usaient de ce droit imprescriptible. Sans cri et sans caprice, elles veillaient tout autant que nous à assurer leur part du combat dans la reconquête de l’espace toujours interdit des granges et greniers. Pour cela elles ne manquaient pas d’imagination ni d’astuce rouée. En attendant les grandes manœuvres elles jouaient à la dinette, appelée chez nous « jouer à la mère et à la fille ». Ce mot leur venait des mères. En tenaient-elles aussi les dérives ? Sans aucun doute, mais il nous faudra bien des années pour l’apprendre. Le jeu : une variante de l’universel « vivre comme les grands », se déroulait en préparations de repas fictifs à base de morceaux de tiges ou de faïences cassées dans de petites assiettes en plastique introduisant le ver de la représentation réaliste dans l’imaginaire des conditionnels.
« On dirait que je serais la fille » L’intonation chantante faisait partie du rite.
« Ah non c’est déjà moi qui ai fait la mère l’autre fois ».
Peu à peu les repas prenaient un caractère plus authentique au grand dam des parents qui constataient les razzias dans le placard de la cuisine. Au beau temps des garde-mangers il n’y avait pas de frigo donc aucun dessert lacté et les boudoirs régnaient dans un monopole incontesté au royaume des biscuits. Pas question de toucher au fromage du père. Trop risqué. Quelques figues sèches, du sucre en morceaux voire des grains de café…
« On dirait que ce serait la viande » À la façon des récitations mal dites.
Des fleurs, du papier, nous avalions tout…
De réalisme en réalisme….Un acteur essentiel du jeu était convié. On le convoquait en général quand les gaufrettes remplaçaient les bouts de tuiles cassées. Mon frère avait le chic : plus jeune ou plus rassurant il était le Père dans tous les jeux. Très important le père, quand le thème du jeu est la vie et son simulacre scandé par la production répétitive des repas.
On met la table, on sert le repas, on mange, on gronde celui ou celle qui fait l’enfant, puis on range et… On refait un repas….Ce qui n’avait que peu d’intérêt devenait central.
« On dirait qu’on serait la nuit »
La nuit, se coucher, mettre des couvertures, s’étendre côte à côte.
À ce moment les garçons tenus à l’écart étaient par le plus grand des hasards tout près, à portée de voix. Il en fallait du « hasard » pour, du creux de la rivière où nous bâtissions notre éternel barrage de sable, nous retrouver à portée de voix ou de regard. Il en fallait du hasard pour que les couples de papas-mamans se constituent à toute vitesse et que les repas factices soient expédiés pour passer aux : « On dirait qu’on serait la nuit » Les greniers jouaient alors leur rôle véritable.
Que de « crimes » furent commis au nom de la dinette !

Au contraire des filles toujours occupées à leur rite fortement connoté, nous, les gars, avions d’autres épopées Arriver à bloquer un jour cette fichue rivière avec le sable que le courant laissait sur une rive. Le matériau était abondant et, trouvé dans le lit, n’appartenait à personne. Les débuts étaient prometteurs. C’était une simple question de vitesse : avancer les travaux de construction plus vite que l’eau ne les emportait. Facile…À cinq ou six, avec nos tabliers pour benne nous progressions sans épargner notre peine. Le malheur voulait que plus nous entamions la largeur du cours, plus le lit devenait profond vers l’autre rive et plus le courant devenait puissant et rapide. Et…Adieu digue, barrage et lac rêvé, la nature reprenait ses droits. Ce n’était en rien une raison de renoncer. Jour après jour, semaine après semaine, seul le mauvais temps pouvait nous interrompre, pas l’échec. La pluie ou les paysans et leurs inévitables vaches. Ces vaches-là avaient l’habitude bornée de venir boire à l’endroit exact de notre banc de sable, et ça depuis des générations de vaches…On aurait dit que ces animaux dictaient leur loi aux hommes. Comme si leurs propriétaires ne pouvaient pas les conduire ailleurs pour boire comme des vaches.
À dire vrai quand on y regardait de plus près un bon kilomètre et un petit bois séparaient cette pente douce sableuse donnant jusqu’à l’eau de son identique, mais sur l’autre rive. Quand la nature elle-même joue à contrecarrer les projets de l’humanité future!
Alors, comme on ne pouvait pas piquer tous les jours les revolvers et ceinturons de cowboy des américains du village. Surtout quand ces américains étaient des américaines. Dans ce cas on attendait le GI suivant en souhaitant très fort qu’il ait des garçons. Après la semaine de l’arc qui, cassé, nous conduisait au jour de l’épée. « Vous allez vous faire mal, jetez moi tout de suite ces bâtons ! » Les mânes de Roland notre voisin hurlaient sous l’injure.
__Pfff Durandal un bâton !__ nous passions aux cabanes.
Des caisses, des cageots, des bidons, des journaux, des piquets et des planches…. On n’imagine pas de nos jours un monde sans plastique. Sans sac, toile, bâche plastique. Rien, de rien mais vraiment rien….Nous avions bien les sacs en toile de jute mais les paysans semblaient y tenir encore plus qu’à leur vache. Des histoires de patates et de topinambours. Pffff !
Aussi, en cette pénurie, la planche même pourrie devenait-elle une denrée précieuse. Combien de trous dans les haies, bouchés à la hâte par un bout de planche depuis des années, retrouvèrent-ils leur indépendance ? Combien de murs d’appentis et bassecours, de parc à gorets devinrent-ils « intermittents » ? Il y avait de quoi enrager : un fils de menuisier démuni en planches. Une fois cette pseudo-maison à peu près terminée, dans un simulacre de rendez vous de chantier, les filles étaient conviées. Pas besoin d’aller les chercher. Elles étaient là. À coup de vieux rideaux et de vieilles robes elles venaient terminer l’édifice. Non pas dans ses parties les plus techniques et audacieuses de piquets-piliers portants, de manche de pelle-poutre ou d’appui sur l’arbre mais, plutôt, versant aménagement intérieur. Elles s’appliquaient en vérité à obturer les grands vides laissés sur les cotés dévoilant pour qui viendrait à passer tout ce qui se déroulerait à l’intérieur.
Et c’était reparti pour la dinette.
L’espace entre la maison et la route souffrait d’une étroitesse qui nous renvoyait de l’autre coté dans le pré. Ronces pour les mûres, pruniers sauvages, espace pour le ballon, arbre pour la lecture. Bien caché dans le feuillage j’avais enfin la paix, maman ne me voyait pas. Sinon, elle avait le génie d’organiser mes « en te promenant » ou mes « t’es là à rien faire ». Elle en faisait de même avec mon père. Combien de fois l’ai-je vue interrompre un assemblage minutieux ou un placage à chaud pour lui tenir la bassine du linge à étendre… Une seule loi dans une journée : réduire au maximum les occasions de se retrouver dans son espace… Sinon elle vous occupait. Un risque collatéral demeurait pourtant. Ne vous voyant pas depuis longtemps elle était toute surprise de vous croiser inopinément au détour d’un de vos manques de vigilance :
« Oh tu m’as fait peur » et paf ! Une baffe, elle était rassurée.
Dans le pré une vingtaine de mètres opposaient une distance plus longue que ses bras entre elle et moi. La cabane en construction se heurtait à ses obstacles habituels le manque de planches et « tout ce bazar-on-n’est-pas-chez-les-romanichels-tu-vas-me-nettoyer-tout-ça !». Pourtant, là, en face dans l’atelier, depuis des années, de longues planches larges et légères nous narguaient, toujours au même endroit, dans le même coin, inutiles et gênantes.
« Dis papa je peux les prendre les planches ?»
La répétition de ma requête reçut une réponse construite par bribes sur des années.
— Non
—….
— Parce que
—…
— Elles sont à Vadon
— Mais euhh ?

C’était un menuisier, l’ancien locataire de l’atelier. Ces traits, tracés sur les planches, un plan unique d’un avion qu’il voulait construire.
Il a disparu un jour et on l’a retrouvé bien plus tard , dans les Pyrénées, bouffé par les ours !

— Mais nous ? Ici, on est chez nous, donc c’est à nous les planches puisqu’il est… par les Ours.
— On sait pas, il a peut-être de la famille…
Mais alors Papa quand t’es mort, les ours ils te gardent. ?

Pour les planches c’était non. C’était non.Ce fut non pendant des années. Je les revis un soir, bien plus tard, dans une flambée de la déroute familiale. Nous n’étions que locataires. Chez moi qui n’était pas chez nous…
Un cataclysme vint offrir l’occasion de tous les éclaircissements.

Dans un monde où les images étaient si rares, la mort trouva sa première représentation imaginaire : c’était un monde de glace, de montagne, et d’ours blancs. Impressionnant, étrange mais pas effrayant. Ne les ayant jamais connus, j’y rangeais mes grands-pères sans chagrin ni douleur. Les ours étaient si souvent à mes cotés. Banals au point qu’un jour je transgressai l’interdit en capturant les planches à Vadon ; fallait-il que la pulsion « cabanatoire » soit pressante !


Etait-ce des cris ou sa respiration essoufflée ? On ne savait. Du fond de la maison on l’entendait crier dehors. Il fallait courir et foncer chez elle jusqu’à sa cour, entrer, traverser la pièce étroite où les deux hommes mangeaient et empoigner la bakélite noire. « Allo ! » Alors il fallait être intelligent et activer sa mémoire, pas le temps de faire répéter à l’autre au bout du fil et pas les moyens de le rappeler .Et puis ça aurait dérangé.
« C’est pas bien de déranger le monde ».
C’était un cadeau des Dieux – des ours ? La dame du téléphone avait obtenu toute cette magie de poteaux et de fils, que l’on suivait en allant à l’école, en même temps que l’appareil parce qu’elle était veuve de guerre. Veuve de guerre ? C’est plus de trente ans après Verdun, en même temps que deux ou trois autres silhouettes noires de la commune qu’on lui avait installé.
« Pschhh Pschhhhh »
Si j’en avais connu alors, j’aurais adoré son bruit de locomotive pour franchir les quelques mètres entre sa maison et la nôtre. Neuf fois sur dix c’était un appel de ma grand-mère. La grand-mère de Paris, la grand-mère cadeaux, la grand-mère gâteaux. Quand elle nous arrivait, c’était câlins délices et fables. Le singe, la guenon et la noix et toute la kyrielle de La Fontaine et de Perrault. Elle me laissa ce cadeau de connaître des fables avant la maternelle. Le téléphone nous disait soit qu’elle venait, soit qu’elle envoyait des cadeaux. Un jour même, elle nous expédia à Mérignac recevoir d’énormes paquets qu’elle nous envoyait d’Angleterre.
« Mais c’est quoi l’Angleterre ? »
Des gâteaux, un vélo neuf pour moi, l’Angleterre ! Rien à voir avec mon autre grand-mère qui ne venait jamais, elle, sauf pour faire pleurer maman. Je ne comprenais pas pourquoi le téléphone n’était pas venu jusqu’à chez nous alors que mes deux grands pères étaient morts. Il fallut profiter d’un moment de patience de ma mère pour comprendre que LA guerre omniprésente dans les conversations quotidiennes du village, de la famille, puis de l’école avait été une chose étrange qui s’était déroulée en deux fois, la première et la seconde. Les deux hommes avaient choisi de mourir « avant la guerre » période assez précise que ma mère retrouvant sa verve habituelle m’enseigna par une gifle excédée. « Non ! Avant la guerre c’est avant la deuxième ! »

Ce jour là, comme d’habitude, je bâtissais une cabane dans le pré en face de l’autre côté de la route, mon autre terrain de jeu. Sur cette route, les autos étaient si rares qu’on pouvait y jouer sans être dérangé et quand il en arrivait une, nous avions largement le temps de nous pousser. Un seul problème, mon chien qui ne me quittait jamais, étant sourd et un peu miro… Un jour d’été, un jour de vadrouille à vélo, je n’étais pas là. Une charrette me le ramena, celle du voisin que le chien accompagnait les jours d’école. L’homme et le chien s’adoraient. Assez casanier par nature, l’animal aimait le suivre dans les vignes du coteau derrière, dans les prairies des bas du bord de la rivière et les forêts du plateau d’en face. Il n’avait de cesse qu’il lui passe son caprice le plus obstiné : porter un outil dans sa gueule. Le tombereau avançait au pas du vieux cheval et fier comme un cerf, la pioche ou la serpe dans la gueule comme un trophée, le chien escadronnait tout autour. Mille fois il lui fit le même tour pendable : il lui égarait son outil et le vieil homme piquait des colères noires. « Tu vas me le dire où tu l’as mis sacré vain dieu ? » Il avait bien essayé de lui refiler un quelconque piquet mais le chien n’en voulait pas et continuait ses agaceries jusqu’à ce qu’il ait eu gain de cause. La serpe réapparaissait souvent quand il rentrait dîner, sur le seuil de sa maison.
Ce jour là, affairé à ma cabane, sous la haute surveillance de mon chien, je l’avais entendue descendre…pfff Pschhh pppfff Pschhh pffff .
— « Monsieur Marin monsieur Marin ! C’est votre… On aurait dit qu’il l’attendait : il bondit et franchit les cinquante mètres sans toucher le sol…Votre maman ! »

Chouette c’est Mémé ! La construction ne m’accapare pas suffisamment pour m’empêcher de guetter le retour de Papa. L’impatience allonge ce temps trop lent pour moi. Le voilà qui revient. Bizarre, comment sait-il que je suis là ? A-t-il reconnu à travers les feuilles les fameuses planches interdites ? On dirait qu’il fait des grimaces avec ses drôles de gestes : un mélange de bras sur la tête comme pour se protéger des coups, de main sur la bouche ou sur les yeux. « C’est pas possible ….C’est pas possible »
Maman sur le seuil
— « Ma sœur est morte »
Tatie est morte ? Tatie la douce, la belle qui sent bon ? La maman de ma petite cousine qui vit à Paris avec Mémé ?
Et Papa qui se fâchait toujours avec Tatie. Il ne se fâcherait plus maintenant qu’elle était partie là-bas avec son père qu’elle avait à peine connu et Vadon, là haut, loin dans les montagnes. Morte à vingt six ans. C’est quoi vingt six ans ?
Pendant que la maison s’emplissait de gémissements incompréhensibles. Quelle sorte de douleur pouvaient-ils bien ressentir ? Mon frère désemparé sortit et me rejoignit. Ensemble nous remirent les planches de Vadon à leur place…
J’avais fâché les Ours. Ils allaient m’apprendre la mort.

Donatien Furtif

vendredi 23 octobre 2009

L'homme de pierre terrassé (Th. Bonnetat)

Dans la lumière solaire, celle qui confond la pierre grise émaillée de blanc au ciel bleu immaculé,l'homme gît écartelé.
Les jambes de glaise à terre.
A son lit de tombe, quatre femmes se tiennent hiératiques, des pleureuses toutes de dignité vêtue.

Quatre femmes verticales au tombé du drapé....

À l' imaginer, enserrée dans sa désespérance, l'une d'elles se patine du tuffeau dont on fait les craies.
Du blanc craie à raconter les blancs de l'existence sur le tableau noir d'une vie terrassée.
"Allons z'enfants de la Patrie"
Ils se tiennent, collés, de dos, les enfants, alignés du gris bleu écolier, un gris bleu de peine déjà.
Et regardent.

Figés.
En rang

La pierre grave, imprime et confronte le temps dans la teneur du silence.

Au milieu, entre les femmes et les enfants, ce monceau de gravats, cailloux et masses, les restes des dégâts, les miettes éparpillées réunies à jamais ou pour toujours dans le gris uniforme, étal de ce géant brut et immobile qui portait le nom d'homme.

Il est parti comme un aigle par une tempête de pluie verglaçante, il est parti au Nord du pays. Puis il a marché toutes ailes déployées, s'est enfoncé au coeur des terres à la faveur des trouées. S'est frayé une autre façon de fouler le monde, sans langage ni pensée.
Sur la carte, des notations de voyage, des traces griffonnées, seul , en vue du bataillon.
La guerre que ça a été au chant de la mort ! Jamais il ne pourra la raconter. Ils ont brûlé la terre, l'ont retourné de cendres à chaque tranchée, ont mêlé les corps calcinés. Dans les ruines, ils ont couru dans l'enfer, éparpillés.

Un jour quelqu'un qui n'était plus quelqu'un , a tiré , les yeux fous, l'a abattu.

D'un coup.

Aujourd'hui, à l'ombre des branches sombres, étoilées, on se demande qui cultive encore le parterre de fleurs sur le sol de marbre.

Les femmes sont chapeautées d'une élégance de fête.
Elles captent la lumière, le sacré et le sacrifice.
Ce sont elles qui irradient sur les jours qui s'étirent, gardiennes des stèles imaginaires, des ruines recomposées.
Ce sont elles qui écriront l'histoire de l'homme, de la guerre et des oubliés.
Celle des vaincus.

Il n'y a que le silence de la pierre pour seule prière.


Thérèse Bonnétat - le 23 Octobre 2009 - Au monument aux morts de Lodève ( sculpté par Paul Dardé)



Les monuments aux morts pacifistes de Paul Dardé

mardi 13 octobre 2009

Et Mémé ? (F. Spassky)

Les vacances promettaient d’être mémorables. On s'était décidé à «faire l’Espagne», le cours de la peseta permettant d’envisager, même pour la classe ouvrière, des vacances de nabab.

La décision avait été lente à mûrir.
Lucien s’était fait expliquer par José, son collègue d’usine, les horaires bizarres, les frites à l’huile d’olive, les tapas, les sandwiches à la tortilla et le mystérieux « Sereno ! » que l'on appelait en ville, le soir, pour se faire ouvrir la porte de l'immeuble.
Au cours des soirées d’hiver, dans la fumée des gitanes-maïs et les vapeurs de prune, des habitués avaient mis en garde contre le soleil, la sévérité de la Guardia civil, la virulence du moustique local, l’état lamentable des routes et l’orgueil des machos espagnols. Et on avait discuté de l’opportunité d’aller voir une corrida «cruelle, mais où le toro a sa chance…».

On commença par l’achat d’une caravane.

Le choix fut long et minutieux. Sur le conseil d’amis déjà équipés, on opta pour un modèle plutôt petit mais avec deux couchages, un double et un simple. Il fallait une chambre pour Mémé, elle serait du voyage cette fois, on n’avait réussi à la caser nulle part.
Lucien avait monté lui-même le système d’attelage et avait été chercher la caravane une semaine avant le départ. Le concierge avait donné l’autorisation exceptionnelle de la garer dans la cour de l’immeuble de Billancourt.
Amis et voisins vinrent visiter, prodiguant conseils et recommandations ; certaines commères critiquèrent l’exiguïté. « Laisse dire, Gigi, on les verrait à tirer une grosse roulotte sur les routes espagnoles… » disait Lucien.
Gilberte prit possession des lieux, entassant vaisselle, ustensiles de cuisine, literie et provisions, acheta des pots de géranium « contre les moustiques » et cousit des rideaux multicolores. Annie, l’aînée, une brunette molle de 17 ans coiffée d'une choucroute à la B.B. gazouilla, en prenant des poses, que c’était « sensass ». Jojo, gamin au teint pâle, au regard torve et aux oreilles décollées, déclara du haut de ses dix ans que la caravane était « super-chouette ». Même Mémé, plutôt méfiante devant de telles extravagances technologiques, après en avoir fait le tour et essayé son lit, admit que «c’était coquet».

On chargea le reste du matériel la veille du départ, les vélos, les parasols, les bouées, les denrées périssables. Et tout ce petit monde, exténué par une année de labeur et de miasmes industriels prit, le 31 juillet à trois heures du matin, la direction d’un camping près d’Alicante. José avait retenu pour eux, en espagnol, il y a deux mois, un emplacement idéal : pas loin des sanitaires, près de la plage et à l’ombre.

La route dans la journée fut infernale, sous un soleil de plomb, avec des embouteillages monstrueux à partir d’Orange. La caravane, pourtant toute neuve, creva un pneu vers Narbonne. Lucien maudit la malchance, entreprit de changer la roue sur le bas-côté. Jojo trouva le moyen de jouer aux billes avec les écrous et l’on mit une demi-heure à les retrouver à grand renfort de baffes paternelles agrémentées de quelques contributions maternelles. Mémé commençait à trouver le temps long et se plaignait de ses rhumatismes tandis que la grande contribuait encore à énerver tout le monde à faire hurler son transistor.

On n’arriva à la frontière qu’en début de soirée et il fallut encore perdre une heure à passer la douane. Première sensation de perte d’équilibre, premier contact avec les chapeaux ridicules en cuir verni de la Guardia civil et un je-ne-sais-quoi dans leur dureté et leur nombre qui, d’entrée, faisait sentir la main pesante du franquisme.
On s’était arrêtés pour changer de l’argent. Premières conversions des prix en pesetas. On regardait avec étonnement ces pièces étranges dont certaines étaient trouées et ces billets en mauvais papier… On lisait les inscriptions : « Ça ressemble quand même un peu au français avec des « a » à la fin, on se débrouillera… ».
Lucien et Gilberte, qui avait son permis, se relayaient au volant tous les deux cents kilomètres. On arriva tellement tard dans la nuit que le camping était fermé et, comme d’autres, on prit la queue devant la barrière close. Puis on s’entassa comme on put à cinq dans la caravane pour quelques très courtes heures de sommeil.

Le lendemain, aux premières heures, on prit possession des lieux. On déplia l’auvent de la caravane, on planta les tentes des jeunes et fit la connaissance des voisins, presque tous français. On régla quelques problèmes d’intendance et on se précipita à la plage mettre à cuire au soleil les corps fatigués .
Les parents sonnés par le voyage s’écroulaient sur le sable après avoir calé Mémé sous un parasol. Annie, toute à ses effets de bikini, (même que Lucien avait trouvé «qu’elle aurait pu, tout de même, se mettre quelque chose d’un peu plus grand qu’un confetti sur le cul, surtout en Espagne…» ) commença à observer les garçons, envisageant sérieusement de perdre son pucelage à l’occasion de ces premières vacances exotiques.
Le Jojo, nullement fatigué, passait son temps à hurler, à asperger d’eau et de sable sa sœur et les parents jusqu’au moment où il se fit engueuler en version originale par un étranger énorme, rouge comme un incendie, d’une nationalité que l’on ne sut déterminer précisément sur l’instant. Tellement il était baraqué, que même Lucien, qui n’avait pourtant rien d’un avorton, décida de laisser passer l’affront fait à la France et rapatria Jojo à coups de pieds aux fesses dans le giron familial.

Annie ne mit pas plus de deux jours à parvenir à ses fins dans les bras d’un voisin français, « étudiant en psychologie ». Dilettante à la poitrine creuse mais beau parleur, il réussit à l’entraîner nuitamment dans son étroite tente canadienne sans avoir besoin d'insister au-delà du strict minimum établi par les convenances.
Mais le jeune homme en question, tout mal fichu qu’il était, n’en était pas à son coup d’essai. Et s’il n’était pas une flèche dans ses études, en revanche, faisait preuve pour la chose d’un incontestable talent qui mit «la grande» dans des états dont elle ne soupçonnait nullement l’existence. Les confidences des copines qui avaient déjà vu le loup n’avaient été, en effet, que modérément enthousiastes. Aussi, devant cette révélation inattendue, devint-elle très assidue à la fréquentation nocturne et clandestine de son infatigable amoureux.

Jojo, lui, s’acoquina avec une bande de garnements tout aussi plurinationale qu’insupportable qui passait son temps à commettre des coups pendables à l’intérieur du camping. Au début ils se contentèrent de bêtises assez innocentes comme arroser au tuyau ceux qui faisaient la vaisselle dans les sanitaires ou cacher les vêtements des femmes qui prenaient leur douche. Mais le hasard voulut qu’à l’occasion d’une de leurs espiègleries ils tombent sur le géant auquel Jojo avait déjà eu affaire à la plage, et contre lequel le gamin avait gardé une rancune tenace en souvenir des coups de pieds aux fesses qu’il avait pris par son père à cause de lui. L’homme en question, un Finlandais dont la peau avait viré à l’écarlate sous l’effet du soleil, qui était là en vacances avec sa femme et ses deux gosses aux cheveux tellement blonds qu’il étaient blancs, devint leur souffre-douleur.
Une fois, ils déposèrent des étrons devant sa tente, une autre, en défirent les sardines pendant la sieste si bien qu’elle s’écroula sur ses occupants. Plus grave, ils y mirent un jour le feu et ce fut miracle s’il n’y eut pas un accident sérieux. La direction du camping s'en mêla, intima l’ordre aux parents de tenir leurs gosses sous peine d’expulsion, des taloches en toutes les langues furent distribuées et le calme revint quelques temps.

Vaille que vaille toute la famille prit donc ses habitudes vacancières au camping de la Siesta : Mémé se levait la première et trottinait en robe de chambre jusqu’à la réception pour y chercher des croissants espagnols énormes et caoutchouteux. Elle préparait le café, ce qui réveillait généralement Lucien et Gilberte. Jojo, tout ébouriffé, surgissait rapidement ensuite.
La demoiselle (enfin, l’ex- ) n’émergeait que vers midi avec des cernes sous les yeux alors qu’on revenait déjà une première fois de la plage. « Je trouve qu'elle a une allure de papier mâché », disait la mère, pendant que Mémé souriait en douce : comme toutes les personnes âgées, elle avait le sommeil très léger et savait parfaitement à quoi s’en tenir au sujet de la mine de sa petite-fille.
Tous les soirs s’organisaient des transhumances apéritives, les invitations se lançaient, se rendaient et se relançaient.
Les parties de pétanque démarraient immédiatement après le repas, une fois terminées les négociations sur les tours de vaisselle. On refaisait ensuite le monde et on arrosait les victoires jusque tard dans la nuit.

Mais un matin, au bout du neuvième jour, il arriva ceci :

« — Papa, y’a Mémé qui est morte… »
La dextre paternelle jaillit des profondeurs du couchage parental pour s’abattre en une gifle retentissante sur la nuque de Jojo en pyjama. C’est que des réveils comme ça, après les litres de sangria d’hier soir, eux-mêmes mouillés de pastis, fallait pas emmerder l’homme…
— Mais c’est vrai ! reprit le gamin pleurant à moitié, Mémé elle bouge plus, elle respire plus !
La mère réveillée à son tour se redressa mollement dans le lit :
— Oh ça va, Jojo ! T’es pas drôle, quelle heure il est ?
— Mais maman, je te jure, elle respire plus et elle est bizarre, j’ai peur…
— Eh, t’entend ça, Lucien ? Va voir ! C’est ta mère après tout…
Seul un grognement indistinct répondit à Gilberte.
«Bon j’y vais. Reste là mon Jojo… »

La mère revint bouleversée :
— Lucien, lève-toi. Je crois que c’est grave… Le petit a raison… »

Ce fut un choc pour la famille. C’est que Mémé, elle était vieille mais en bonne santé apparemment… En plus, on l’aimait bien : toujours de bonne humeur, gentille, adorant ses petits-enfants.
On alla réveiller la grande qui, la première, fondit en larmes. Larmes qui se communiquèrent à tout le monde durant de longues minutes. On restait là à renifler et à aller voir de temps à autres si, dès fois, la Mémé elle ne s’était pas juste endormie très profondément…
Au bout d’un moment Gilberte revint sur terre :
— Je vais à la réception pour savoir ce qu’il faut faire. On n’a même pas appelé un médecin, dit-elle en se remettant à pleurer.
— Chuuut, Gilberte, on va t’entendre. Attends. Reste-là, faut réfléchir…
— Mais…
— Reste-là, je te dis ! Les enfants, retournez dans vos tentes, il faut que je cause à votre mère !
Annie, cette fois prit Jojo avec elle dans sa tente pour tenter de le calmer.
— Gigi, faut qu’on rentre immédiatement à Billancourt, dit Lucien…
— Mais, ta mère ?
— Ben justement : tu imagines les emmerdements si on déclare son décès en Espagne ? Si ça se trouve ils exigeront qu’elle soit enterrée ici. Et comment on va faire pour venir la voir à la Toussaint ?
Gilberte se remit à pleurer de plus belle.
— Allons, allons, calme-toi. Bois un coup, dit-il en lui versant un verre de pastis pur. Et en supposant même qu’ils acceptent que le corps soit rapatrié en France, tu as une idée de ce que ça va coûter ?
— Ils vont peut-être nous soupçonner de l’avoir assassinée ?…
— Ben ouais, on peut rester bloqués ici des années… Avec ce qu’on raconte sur les prisons de Franco… Faut réfléchir…

Ils réfléchirent tellement qu’ils arrivèrent à la conclusion que le seul moyen était de cacher Mémé à l’intérieur de la caravane, de partir immédiatement et de passer la frontière de nuit en priant le bon Dieu pour qu’on ne découvre pas le macabre transport. On espérait une présence policière plus faible et un trafic fluide. Une fois en France, on rentrerait dare-dare à Billancourt, on s’arrangerait pour arriver la nuit et on transporterait en cachette le cadavre dans son lit. Puis on déclarerait le décès.

Ni Lucien ni Gilberte n’avaient la moindre idée des rigidités cadavériques et des procédés dont dispose la science pour déterminer la date d’un décès, mais ils croyaient que leur plan pourrait marcher. De toute manière ils n’en voyaient aucun autre possible.
Restaient les gosses. Et puis les voisins de camping. Faudrait trouver une excuse. Et pourquoi pas, justement un décès dans la famille ?

On briffa les enfants. Jojo était trop bouleversé pour protester, mais la grande, passée la première émotion, la trouva mauvaise. Elle avait pris goût au radada avec son étudiant et, obligée de suspendre comme ça, en plein vol, son éducation à la chose, ça lui mettait comme des regrets, des sentiments d'inachevé…
Gilberte fut chargée de répandre l’excuse du deuil familial qu’on aurait appris tôt ce matin en téléphonant en France depuis une cabine. Bobard qu’elle servit aussi bien à la réception qu’aux voisins, pendant que le reste de la famille pliait frénétiquement les tentes et le matériel de camping.
On parvint à prendre la route vers midi. On avait laissé Mémé dans son lit sous ses draps en recouvrant de linge et de vêtements divers.

Un peu avant minuit, au bout de près de 700 kilomètres de routes espagnoles à peine carrossables, la tension à l’intérieur de la voiture familiale devint maximale. Il avait été d’abord décidé que ce serait Gilberte qui conduirait pour passer la douane, mais au fur et à mesure que l’on se rapprochait, sa nervosité augmentait au point que Lucien dut prendre le volant ,mais lui-même finit par ne pas en mener large. Si Annie, partagée entre la tristesse et des rêveries inavouables se tenait à peu près correctement, en revanche Jojo qui s’était réveillé après un long somme devenait de plus en plus hystérique, pleurant et hurlant, ce qui augmentait encore le stress des parents.
Fort opportunément, à la sortie d’un virage, la vue du poste-frontière de la Junquera et de la file de véhicules qui attendaient leur tour lui coupa littéralement la chique, il en oublia pratiquement de respirer. Un silence épais s’installa dans la 403.
Le douanier fit arrêter la voiture, réclama les documentos du véhicule et les pièces d’identités, jeta un regard soupçonneux sur les occupants et fit ouvrir la caravane ; d’un coup de torche rapide et circulaire il vérifia qu’elle était vide de toute présence humaine, rendit les papiers aux occupants tétanisés dans la voiture et fit signe de rouler.
La douane française fut plus rapide encore : n’ayant « rien à déclarer » ils passèrent sans incident.

Enfin les nerfs purent se relâcher. On reprit le voyage sur de vraies routes françaises et on se mit en quête d’un café ouvert pour se remettre de ses émotions.
À la pique du jour on trouva un « routier » qui ne fermait jamais. On gara la voiture et sa caravane sur le parking.
Gilberte, Lucien, Annie et Jojo pénétrèrent dans l’établissement. Le moral était déjà meilleur. Encore une dizaine d’heures de route et on serait presque tirés d’affaire. On pourrait s’occuper de faire son deuil, enterrer Mémé, enfin, tout ce qui est normal en ces cas-là…
Un petit déjeuner ordinaire s’avérant insuffisant, on commanda des croque-monsieur, des œufs, de la nourriture solide. Gilberte qui devait prendre le volant avala deux cafés serrés supplémentaires. Jojo revint doucement à la vie devant une portion de frites, Lucien s'accorda quelques verres de blanc en sus de son omelette et la grande réclama un deuxième sandwich saucisson-beurre.
C’est donc tout ragaillardis que les membres encore vivants de la famille sortirent du café-restaurant « Au routier qui veille », sur la nationale 9, en ce petit matin déjà très doux du 10 août 1961.
Après quelques dizaines de pas en direction de leur attelage, ils s’arrêtèrent incrédules, bouches bées, immobiles, serrés les uns contre les autres devant le spectacle incroyable de leur 403 amputée de sa caravane qui venait visiblement d’être volée.
Cela dura quelques longues minutes et c’est Jojo qui finit par dire :

« Mais… et Mémé ? »

Frederic Spassky.

lundi 5 octobre 2009

Une femme en Auguste (Th. Bonnetat)


Sur la piste du cirque, rien ne pourrait transparaître, rien ne transparaissait jamais.
Tout est jonglerie sous le chapiteau.
On est ailleurs, dans le cercle, un peu avec soi, un peu autre.

J'en ai parlé longuement avec Marie, l'écuyère romantique, celle qui portait le tutu pour la Sylphide.
Elle était cette jeune fille légère dans des éclats de tulle. Dans un glissement.

Je lui ai dit que je serais là, à l'ouverture du Grand Métropole, et en 1906, aucun spectateur, aucune spectatrice ne pourrait le deviner.
Au nez de tous et à la barbe du clown Boum-Boum, je lui donnerais la réplique. Au grand Boum-Boum.

ON a longtemps voulu que celui qui fasse rire soit un ancien écuyer, un acrobate usé, usé.
Un homme quoiqu'il en soit.

Enfant de la balle, j'ai sillonné avec eux, la route, de place en place, et n'ai cessé de coudre et recoudre la toile des tissus, d'agencer les patchworks d'étoffes.
Dans les coulisses, je regarde.

Je rêve de rentrer dans le rond du cirque, de me glisser dans des plis trop vastes, cachée .
De blanc, rouge et noir.
Une farce, une vraie farce d'étranges oripeaux.

Mes costumes pour la parade, choisis parce que trop courts, le veston et le pantalon d'abord, puis un costume tout noir avec l'étrange petit chapeau de Mrs Dalloz et un maillot vert acide avec des broderies, des fleurs mauves, jaunes.

Rouge pour les lèvres de sang.
Noir pour les sourcils de charbon.
Je serai là, en équilibre , accoutrée de vêtements d'hommes et parée d'un corset de dentelle.
De dessous féminins.

Au frémissement des cymbales: mon corps masqué, balourd et agile, le visage blanc de la pureté, rouge du sang et noir du deuil. Je jouerai des mimiques interdites, la voix dans les aigus, un son de crécelle.
Dans la lumière, un essaim de rires, une ruche dont je serai, grimée, la première Reine.

C'est mon tour.

Thérèse Bonnétat
- le 23 Novembre 2006 -

Photo : Laetitia Gavini.
Photo : Kiji, Russie par Toche

Ce blog se propose de publier en ligne des nouvelles et d'autres textes courts inédits. Pour proposer un texte, l'envoyer au format word à : l.noel03@laposte.net (10 pages maxi). Ils restent la propriété exclusive de leurs auteurs.

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