vendredi 23 octobre 2009

L'homme de pierre terrassé (Th. Bonnetat)

Dans la lumière solaire, celle qui confond la pierre grise émaillée de blanc au ciel bleu immaculé,l'homme gît écartelé.
Les jambes de glaise à terre.
A son lit de tombe, quatre femmes se tiennent hiératiques, des pleureuses toutes de dignité vêtue.

Quatre femmes verticales au tombé du drapé....

À l' imaginer, enserrée dans sa désespérance, l'une d'elles se patine du tuffeau dont on fait les craies.
Du blanc craie à raconter les blancs de l'existence sur le tableau noir d'une vie terrassée.
"Allons z'enfants de la Patrie"
Ils se tiennent, collés, de dos, les enfants, alignés du gris bleu écolier, un gris bleu de peine déjà.
Et regardent.

Figés.
En rang

La pierre grave, imprime et confronte le temps dans la teneur du silence.

Au milieu, entre les femmes et les enfants, ce monceau de gravats, cailloux et masses, les restes des dégâts, les miettes éparpillées réunies à jamais ou pour toujours dans le gris uniforme, étal de ce géant brut et immobile qui portait le nom d'homme.

Il est parti comme un aigle par une tempête de pluie verglaçante, il est parti au Nord du pays. Puis il a marché toutes ailes déployées, s'est enfoncé au coeur des terres à la faveur des trouées. S'est frayé une autre façon de fouler le monde, sans langage ni pensée.
Sur la carte, des notations de voyage, des traces griffonnées, seul , en vue du bataillon.
La guerre que ça a été au chant de la mort ! Jamais il ne pourra la raconter. Ils ont brûlé la terre, l'ont retourné de cendres à chaque tranchée, ont mêlé les corps calcinés. Dans les ruines, ils ont couru dans l'enfer, éparpillés.

Un jour quelqu'un qui n'était plus quelqu'un , a tiré , les yeux fous, l'a abattu.

D'un coup.

Aujourd'hui, à l'ombre des branches sombres, étoilées, on se demande qui cultive encore le parterre de fleurs sur le sol de marbre.

Les femmes sont chapeautées d'une élégance de fête.
Elles captent la lumière, le sacré et le sacrifice.
Ce sont elles qui irradient sur les jours qui s'étirent, gardiennes des stèles imaginaires, des ruines recomposées.
Ce sont elles qui écriront l'histoire de l'homme, de la guerre et des oubliés.
Celle des vaincus.

Il n'y a que le silence de la pierre pour seule prière.


Thérèse Bonnétat - le 23 Octobre 2009 - Au monument aux morts de Lodève ( sculpté par Paul Dardé)



Les monuments aux morts pacifistes de Paul Dardé

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Photo : Kiji, Russie par Toche

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